Mgr Andrew Nkea; a choisi de se taire sur les atrocités. Au lieu de condamner la violence, il s’est positionné comme émissaire du régime. Au lieu de marcher avec son peuple, il a accepté le confort et les cadeaux.
Par Ali Dan Ismael, Rédacteur en chef
Un prélat au service du pouvoir – En période de crise politique, l’Église est souvent appelée à dire la vérité au pouvoir et à offrir une boussole morale aux opprimés. Pourtant, dans le conflit anglophone au Cameroun, Mgr Andrew Nkea de Bamenda n’a pas émergé comme un témoin prophétique, mais comme un militant discret du RDPC. Sa rhétorique de paix masque un bilan troublant de compromission politique, d’indulgence matérielle et d’actions qui divisent au lieu de guérir.
Auto-désignation au Grand Dialogue National
Lorsque Paul Biya a convoqué le soi-disant Grand Dialogue National en 2019, l’initiative a été largement condamnée comme une mise en scène destinée à préserver le statu quo. À cette occasion, Mgr Nkea a pris la décision extraordinaire de s’auto-désigner représentant de la région du Sud-Ouest. Ce choix n’était issu d’aucun processus démocratique ni d’aucun mandat communautaire. Il servait plutôt l’agenda du régime, en lui offrant une apparence de légitimité ecclésiale tout en réduisant au silence les véritables voix ambazoniennes — dirigeants de la société civile, représentants de la résistance et populations déplacées.
Le champion du « diviser pour mieux régner »
Mgr Nkea est allé plus loin en s’opposant ouvertement à l’idée de fédérer les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Ce n’était pas une position innocente : elle reprenait exactement la stratégie du RDPC, qui consiste depuis longtemps à diviser la communauté anglophone afin d’affaiblir sa détermination. En décourageant l’unité des deux zones — historiquement liées par la langue, la culture et la lutte commune — Nkea a renforcé l’agenda colonial de la séparation et fragilisé les bases de la solidarité ambazonienne.
L’indépendance, pas la fédération : la position du Dr Sako
Ironie du sort, alors qu’il s’alignait publiquement sur le régime, Mgr Nkea a aussi cherché discrètement à entrer en contact avec le Dr Samuel Ikome Sako, Président de la République fédérale d’Ambazonie en exil, son ancien camarade de classe et compatriote du Sud-Ouest. Mais le Dr Sako est resté constant et clair : l’Ambazonie recherche l’indépendance, pas la fédération. La fédération est un piège — un stratagème recyclé par Yaoundé pour retarder, détourner et finalement nier au peuple sa liberté.
Sous cet angle, les actes de l’archevêque apparaissent non pas comme ceux d’un réconciliateur, mais comme ceux d’un courtier politique offrant une couverture religieuse à une tromperie coloniale.
Le patronage et les récompenses matérielles
La loyauté de l’archevêque envers le système Biya n’est pas restée inaperçue — ni impayée. Son acceptation d’un SUV flambant neuf et d’indemnités financières du Chef de l’État a été largement remarquée. Ces cadeaux, loin d’être symboliques, illustrent l’enchevêtrement dangereux de l’autorité cléricale avec le clientélisme politique. Pendant que les Ambazoniens enterrent leurs morts et fuient les villages incendiés, Mgr Nkea a publiquement bénéficié de la largesse du système même accusé de ces atrocités.
La contradiction morale
Voici la contradiction. Dans une province dévastée par les massacres, les déplacements et la marginalisation systémique, Mgr Nkea a choisi de se taire sur les atrocités. Au lieu de condamner la violence, il s’est positionné comme émissaire du régime. Au lieu de marcher avec son peuple, il a accepté le confort et les cadeaux. Par ces choix, il a sacrifié non seulement sa neutralité politique mais aussi l’autorité morale de sa charge pastorale.
Pour beaucoup d’Ambazoniens, il en est venu à incarner l’effondrement de la crédibilité spirituelle face à la commodité politique.
Leçons pour l’Ambazonie
La conduite de l’archevêque met en lumière un schéma plus large de cooptation cléricale par le régime Biya. Pour les Ambazoniens, les leçons sont urgentes et sans équivoque :
L’unité est non négociable. Le Nord-Ouest et le Sud-Ouest doivent rester solidaires, malgré les efforts du régime pour les diviser.
Un dialogue sans justice est une tromperie. Les pourparlers mis en scène par le régime et relayés par des clercs compromis ne méritent aucune confiance.
L’autorité morale doit être méritée. Elle découle de la défense de la vérité et de la justice, et non des SUV, des pots-de-vin ou du théâtre politique.
Conclusion : le patronage plutôt que la prophétie
Mgr Nkea se présente comme un homme de paix. Mais une paix sans justice n’est que propagande, et le silence face au génocide est de la complicité. En s’auto-désignant au Grand Dialogue National, en s’opposant à l’unité ambazonienne, en manœuvrant secrètement tout en servant ouvertement le régime, et en acceptant des récompenses matérielles de Paul Biya, Mgr Nkea a choisi le patronage plutôt que la prophétie — la dévotion au pouvoir plutôt que la loyauté envers son peuple.
L’histoire ne le retiendra pas comme un pasteur d’âmes. Elle le retiendra comme le militant silencieux du RDPC en soutane.
Ali Dan Ismael, Rédacteur en chef