Retrospective,

Les détails de la Conférence de Foumban de juillet 1961

Par Celeste Maddox The Independentist

(Partie 1)

Hier, l’un de nous a réagi à une publication qui demandait : « Que s’est-il passé avec la première fédération ? » Cette réflexion a croisé mes propres pensées sur la question. J’ai promis d’apporter davantage de détails, car l’affaire de Foumban est centrale à notre cause. J’avais déjà diffusé ce texte auparavant, mais certains ne l’avaient peut-être pas vu. Permettez-moi donc de le présenter en trois parties afin qu’il ne paraisse pas trop long. À la fin, nous pourrons tous partager nos avis. Mon objectif est que cela nous renforce et nous donne de l’assurance.

On entend souvent nos compatriotes suggérer qu’« une union sous la forme d’une Fédération » aurait été conclue entre le British Southern Cameroons et la République du Cameroun (LRC) à Foumban en 1961. Certains vont jusqu’à affirmer que le conflit actuel découlerait du fait que la LRC aurait violé les termes de ce supposé accord de Foumban lorsqu’elle instaura l’État unitaire en 1972.

Nous entendons aussi d’autres idées reçues :

« Lorsque nous avons rejoint la LRC, c’était sur la base de l’égalité. »

« Nous nous battons pour notre indépendance. »

« La lutte n’a commencé qu’en 2016 avec les grèves des avocats et des enseignants. »

« M. Biya commande à l’armée de tuer son propre peuple. »

« Nous devons éviter les erreurs commises par nos pères à Foumban en 1961. »

« C’est une guerre civile. »

Aucune de ces affirmations, prises telles quelles, n’est vraie. Aucune ne résiste à l’examen. La vérité — la raison même de notre lutte — se trouve dans ce qui s’est réellement passé en juillet 1961.

Soyons clairs :

Nous n’avons jamais « rejoint » la LRC, ni en tant qu’égaux, ni en tant qu’inférieurs. Qui peut se souvenir du moment de ce « rattachement » ? Qui peut produire un instrument juridique international le prouvant ? Il n’en existe pas.

L’ONU nous avait déjà accordé l’indépendance par la Résolution 1608 (XV) du 21 avril 1961. Ce que nous combattons aujourd’hui, c’est une occupation illégale.

Nos pères n’ont commis aucune « erreur » à Foumban. Certes, ils n’auraient pas dû y aller, mais ils n’ont conclu aucun accord avec la LRC.

La lutte n’a pas commencé en 2016. Cette année-là marqua seulement une escalade à travers une insurrection populaire. Bien avant, des pionniers ambazoniens comme Fon Gorji Dinka, Albert Mukong, Chief Ayamba, Dr. Nfor, Pa Sabum et bien d’autres avaient déjà été arrêtés et emprisonnés.

M. Biya ne tue pas « son propre peuple ». Les Ambazoniens ne sont pas son peuple. En droit international, les Ambazoniens constituent un peuple distinct. Rappelons l’arrêt de Banjul en 2009 !

Ce n’est pas une guerre civile. Les guerres entre deux pays ne sont jamais des guerres civiles.

Ce qui s’est réellement passé à Foumban

Oui, une rencontre eut bien lieu à Foumban en juillet 1961. D’un côté se trouvaient les Camerounais du Sud dirigés par le Premier ministre John Ngu Foncha ; de l’autre, des responsables de la LRC menés par le président Ahmadou Ahidjo. C’est Ahidjo qui avait convoqué cette rencontre.

Mais voici la vérité : après le plébiscite de février 1961 et le vote de l’ONU en faveur de l’indépendance du Cameroun méridional, l’Organisation des Nations unies avait recommandé une conférence tripartite afin de déterminer les modalités d’association entre le British Southern Cameroons et la République du Cameroun. Cette conférence devait réunir :

l’Autorité administrative (le Royaume-Uni),

le Gouvernement du Cameroun méridional,

le Gouvernement de la LRC,

ainsi qu’une commission d’experts de l’ONU composée de trois membres.

Ce n’était pas à Ahmadou Ahidjo de convoquer une telle conférence. Et selon les termes de l’autonomie interne, le Premier ministre Foncha n’avait aucune compétence en matière de défense, d’affaires étrangères ou de fiscalité. Ces pouvoirs restaient réservés au commissaire britannique J. O. Field, sous l’autorité du Foreign and Commonwealth Office à Londres.

Ainsi, la réunion de Foumban ne fut qu’un entretien entre deux parties inégales : un Territoire sous tutelle encore administré par les Britanniques, et un État déjà indépendant. Si l’on veut la considérer comme des « discussions préliminaires », alors ce n’était en aucun cas la conférence tripartite recommandée par l’ONU.

Foumban ne pouvait donc pas satisfaire à l’exigence de l’ONU pour trois raisons précises :

Ahmadou Ahidjo n’avait aucun mandat de l’ONU pour convoquer la conférence.

Le Premier ministre Foncha n’avait pas autorité en matière d’affaires étrangères pour engager le Cameroun méridional.

L’Autorité administrative et les experts de l’ONU étaient absents, en violation directe de la Résolution 1608.

( Partie 2)

Même avec l’illégalité de la rencontre de Foumban, aucun accord n’a jamais été conclu pour une quelconque forme d’association entre les deux pays. Un tel accord aurait, de toute façon, été invalide et illégal dès le départ. Les discussions de suivi à Yaoundé n’aboutirent pas non plus à un accord.

S’il y avait eu un véritable accord conforme à la conférence recommandée par l’ONU, celui-ci aurait été ratifié par les parlements des deux pays et enregistré au Secrétariat de l’ONU, comme l’exige l’Article 102 de la Charte des Nations unies. Après avoir obtenu son indépendance le 1er janvier 1960, la République du Cameroun (LRC) devint membre de l’ONU le 20 septembre 1960. Dès lors, elle était tenue de respecter la Charte, en particulier l’Article 102(1) :

« Tout traité et tout accord international conclu par un Membre des Nations unies après l’entrée en vigueur de la présente Charte sera, le plus tôt possible, enregistré au Secrétariat et publié par celui-ci. »

La délégation du Cameroun méridional s’attendait à travailler avec ses homologues du Cameroun français pour rédiger, à partir de zéro, une constitution acceptable par les deux parties. Au lieu de cela, la délégation de la LRC arriva avec un projet déjà prêt, car leur objectif, dès le départ, était l’annexion du Cameroun méridional.

Cela fut rendu parfaitement clair par le président Ahmadou Ahidjo dans son discours de clôture à Foumban :

« Par conséquent, il revenait à la République du Cameroun, qui jouissait déjà de sa souveraineté internationale et qui avait déjà ses institutions, d’adapter sa propre constitution afin de former une union avec le territoire frère du Cameroun méridional. »

Une telle malhonnêteté en disait long.

En août 1961, immédiatement après l’échec des pourparlers de Foumban, le parlement de la LRC adopta la Loi n° 24/61, changeant le nom du pays en République fédérale du Cameroun. Le président Ahidjo la promulgua le 1er septembre 1961 et fixa habilement au 1er octobre 1961 — date de l’indépendance du Cameroun méridional — son entrée en vigueur.

Il faut le souligner : lorsque la Loi n° 24/61 fut adoptée, le British Southern Cameroons était encore un Territoire sous tutelle de l’ONU, sans aucun représentant au parlement de la LRC. L’« ajustement » constitutionnel qu’Ahidjo lui-même reconnut fut uniquement une affaire interne à la LRC. Le Cameroun méridional n’en fut pas partie prenante.

Ahidjo confirma ce point de vue lors du congrès de son parti, l’Union Camerounaise (UC), à Ebolowa en juillet 1962, en déclarant :

« La réunification du Cameroun méridional et de la République du Cameroun ne nécessitait pas une modification fondamentale de la constitution de la République du Cameroun mais seulement un amendement mineur pour permettre à une partie du territoire de rejoindre la mère patrie. C’était à la République du Cameroun de se transformer en fédération, en tenant compte du retour à elle d’une partie de son territoire, une partie possédant certaines caractéristiques particulières. »

L’adoption de la Loi n° 24/61 et les déclarations répétées d’Ahidjo ne laissent aucun doute : aucune fédération n’a jamais été formée entre la LRC et le British Southern Cameroons. Avant le 1er octobre 1961, la LRC s’était déjà transformée unilatéralement en un prétendu État « fédéral ».

Ceux qui continuent d’affirmer qu’une fédération aurait été conclue à Foumban en 1961 doivent fournir une documentation crédible pour contredire ces preuves. À ce jour, il n’en existe aucune.

(Partie 3)

Avant Foumban, la direction de la République du Cameroun (LRC) avait eu plusieurs occasions aux Nations unies d’exprimer son avis sur toute forme d’association avec le Cameroun méridional. Lors de la 849ᵉ séance de la Quatrième Commission, le 25 février 1959, M. Ahidjo déclara :

« Nous ne sommes pas des annexionnistes. Si nos frères de la zone britannique souhaitent s’unir avec le Cameroun indépendant, nous sommes prêts à en discuter avec eux, mais nous le ferons sur un pied d’égalité. »

Pourtant, le 21 avril 1961, la LRC, aux côtés de la France, vota contre l’indépendance du Cameroun méridional. Ce vote, combiné aux propos troublants d’Ahidjo à Foumban en 1961 et plus tard au congrès de son parti à Ebolowa en 1962, ne laisse aucun doute : dès le départ, le but de la France — exécuté par l’intermédiaire de la LRC — était l’annexion et l’intégration du Cameroun méridional afin d’en faciliter l’exploitation par Paris. En votant contre la Résolution 1608 de l’Assemblée générale de l’ONU, la LRC enterra de fait toute perspective légitime d’union entre les deux Cameroun.

Les faits sont clairs. La rencontre de Foumban en juillet 1961 n’était pas la conférence tripartite recommandée par l’ONU. Elle découlait déjà d’une procédure onusienne viciée, en violation de la Charte elle-même. À Foumban, aucune forme d’association ne fut conclue entre le Cameroun méridional et la LRC. Aucun document contraignant n’existe pour attester d’une telle association. Et même s’il en existait un (ce qui n’est pas le cas), il serait illégal, car la rencontre ne respectait pas les exigences de l’ONU.

À la place, la LRC se rebaptisa unilatéralement « République fédérale du Cameroun » par la Loi n° 24/61, alors que le Cameroun méridional était encore un Territoire sous tutelle des Nations unies. Fait notable : aucune autorité de la LRC n’a jamais affirmé qu’une fédération fut conclue à Foumban. Ils connaissent la vérité. En réalité, ils financent et encouragent des Ambazoniens crédules ou compromis à propager ce mensonge. Lorsque ces voix répètent la fiction d’une fédération de Foumban, la LRC se contente d’écouter et d’en profiter, laissant les Ambazoniens s’auto-illusionner qu’un accord aurait existé. Il n’en a jamais été ainsi.

Aux alentours de minuit, le 30 septembre 1961, à l’aéroport de Tiko, Ahidjo détourna l’indépendance du Cameroun méridional, usurpant le rôle de Foncha. Quelques jours plus tard, la LRC déploya les gendarmes, proclama l’état d’urgence, et l’occupation — ainsi que la recolonisation — commença. Depuis lors, les Ambazoniens ne cherchent pas à obtenir l’indépendance — ils l’avaient déjà acquise. Ils résistent à une occupation illégale, désormais entrée dans sa sixième décennie, soutenue et protégée par la France.

Il faut aussi se rappeler que l’échec à convoquer la conférence tripartite mandatée par l’ONU fut en réalité une bénédiction. Par la providence divine, la fraude orchestrée par la Grande-Bretagne et la France ne fut jamais formalisée. Le plébiscite de 1961 au Cameroun méridional doit être jugé illégal, car il entrait en collision directe avec l’Article 76(b) de la Charte des Nations unies et avec la Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale. Le peuple du Cameroun méridional ne s’était jamais plaint contre la Grande-Bretagne, le Nigéria ou le régime de tutelle — alors pourquoi la Résolution 1514 fut-elle violée dans son cas ?

La réponse est simple : parce que l’annexion avait toujours été le plan.

Voilà la vérité qu’il faut dire partout, en tout temps, et avec force.

Celeste Maddox The Independentist

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