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La Jeunesse Éternelle du Cameroun : Quand 92 Ans Deviennent 22

Ils soutiennent qu’une expérience alliée à « l’esprit jeune » pourrait encore servir la nation. Mais cet argument s’effondre lorsqu’on brandit des nonagénaires comme incarnation de l’avenir.

Par la Rédaction Politique de The Independentist

Un Mot Qui a Perdu Son Sens

Au Cameroun de Paul Biya, les mots ont perdu leur sens. Nulle part cela n’est plus visible que dans l’abus du mot jeunesse. Partout ailleurs dans le monde, la jeunesse est clairement définie : les Nations Unies fixent la tranche entre quinze et vingt-quatre ans, l’Union africaine l’étend jusqu’à trente-cinq ans, et l’Organisation mondiale de la santé affirme que la jeunesse s’arrête bien avant la quarantaine. Pourtant, au Cameroun, sous Biya, la jeunesse est devenue une étiquette collée sur n’importe qui que le régime veut recycler, y compris des hommes de soixante, soixante-dix, voire quatre-vingts ans.

Des Champions de la Jeunesse aux Fossiles Politiques

Cela prêterait à rire si ce n’était pas si tragique. Jacques Fame Ndongo, ministre de l’Enseignement supérieur, aujourd’hui à la fin de sa soixantaine avancée, continue de se présenter comme « le champion de la jeunesse », tout en dirigeant un système universitaire où les étudiants sont réprimés par la police et étudient dans des amphithéâtres délabrés. Oben Peter Ashu, baron fidèle du RDPC, participait encore aux congrès de la jeunesse dans sa soixantaine, célébré comme un représentant de la « jeune génération ». Tsimi Evouna, bien au-delà de l’âge de la retraite, a siégé sur des panels prétendument consacrés à la jeunesse et au leadership. Même l’aile jeunesse officielle du RDPC est depuis longtemps dirigée par des hommes de cinquante ou soixante ans — des visages recyclés déguisés en avenir.

Philemon Yang : L’« Option Jeune » à 80 Ans

L’absurdité a atteint son paroxysme. Philemon Yang, un homme qui approche de ses quatre-vingts ans, est aujourd’hui présenté comme une « option jeune » pour représenter les Ambazoniens dans le prochain gouvernement, aux côtés de Paul Biya lui-même, président nonagénaire de 92 ans, et d’un autre septuagénaire présenté comme « jeunesse ». Quand quatre-vingt-dix-deux ans devient le visage de la jeunesse, quelle chance reste-t-il aux vrais jeunes ?

Une Stratégie, Pas un Hasard

Les défenseurs du régime affirment parfois que le Cameroun utilise le mot « jeunesse » dans un sens culturel — désignant ceux qui ne sont pas encore au sommet absolu du pouvoir, quel que soit leur âge. Ils soutiennent qu’une expérience alliée à « l’esprit jeune » pourrait encore servir la nation. Mais cet argument s’effondre lorsqu’on brandit des nonagénaires comme incarnation de l’avenir. L’expérience sans renouvellement n’est pas du leadership ; c’est de la stagnation déguisée en succession.

Surtout, tout cela s’inscrit dans une stratégie française intégrée au libéralisme communautaire de Biya. Cette idéologie, présentée comme un modèle de « coexistence pacifique » et d’« unité guidée », a en réalité été conçue pour étouffer toute contestation. En manipulant les définitions, en brouillant le langage et en encourageant la docilité, elle fabrique une population trop fatiguée, trop confuse et trop conditionnée pour se rebeller. L’abus du mot « jeunesse » n’est qu’un instrument de plus pour maintenir les Camerounais dans une attente perpétuelle, une obéissance éternelle, et un déni permanent de leur droit au renouvellement politique.

La Guerre Psychologique par le Langage

Ce n’est pas de la maladresse. C’est une stratégie calculée, une arme politique. En appelant « jeunes » des vieillards, le régime a bloqué tout changement générationnel réel. Les Camerounais de vingt ou trente ans se voient dire d’attendre leur tour, mais ce tour n’arrive jamais, car la place qui leur revient est déjà occupée par des hommes deux ou trois fois plus âgés, grimés en successeurs. C’est aussi une manière de recycler indéfiniment les fidèles du régime. Tant qu’on reste loyal, on peut être décoré du titre de « jeunesse », quel que soit l’âge. Le renouveau devient un mensonge, l’espoir un mirage, et le leadership un cycle grotesque d’adolescence éternelle.

Les dégâts psychologiques sont profonds. Si un octogénaire peut être appelé jeune, alors le temps lui-même perd tout sens. L’avenir est toujours reporté, le leadership éternellement différé, et les citoyens conditionnés à accepter la stagnation comme destin. Cette manipulation s’inscrit dans un schéma plus large : dialogues nationaux sans issue, décentralisation sans transfert de pouvoir, promesses d’unité nationale qui ne font qu’aggraver les divisions. Au Cameroun, les mots ne construisent pas, ils étouffent.

Le Coût de l’Adolescence Éternelle

Les conséquences sont partout. La fuite des cerveaux est devenue une tragédie nationale, des jeunes talentueux quittant massivement le pays pour chercher ailleurs l’avenir qu’on leur refuse. Ceux qui restent sombrent dans la désillusion, apprenant vite que le mérite ne compte pas, seule la loyauté envers le clan dirigeant ouvre les portes. La politique est figée dans le temps, avec les mêmes slogans, les mêmes échecs et les mêmes vieillards recyclés, décennie après décennie, sous le masque de la jeunesse.

La Position du Dr. Sako : Rompre avec le Modèle Impérial de De Gaulle

Le Dr. Samuel Ikome Sako, président de la République fédérale d’Ambazonie (en exil), l’a souvent rappelé : l’abus du mot jeunesse, la manipulation du langage et le recyclage des gérontocrates ne sont pas de simples anomalies camerounaises. Ils sont l’héritage direct du modèle présidentiel impérial de Charles de Gaulle, exporté dans l’Afrique francophone au moment des indépendances.

Ce système de monarchie présidentielle, de centralisation absolue et de « pères éternels de la nation » a été vendu comme une garantie de stabilité. En réalité, il est devenu la pierre angulaire de la Françafrique, où des vieillards au pouvoir, soutenus par Paris, règnent indéfiniment en muselant tout renouveau. Aujourd’hui, ce modèle se fissure. Du Sahel à l’Afrique centrale, les peuples se soulèvent contre cette structure de domination.

Pour le Dr. Sako, une Ambazonie libre doit rompre avec cet héritage falsifié. Cela signifie démanteler le libéralisme communautaire de Biya, briser les chaînes de la Françafrique et bâtir un ordre politique fondé sur le fédéralisme, le renouvellement et une véritable démocratie. Cela signifie rendre aux mots leur sens authentique : la jeunesse aux jeunes, le leadership aux compétents, la souveraineté au peuple.

Conclusion : Un Avenir Volé

Un nonagénaire ne peut pas incarner l’avenir. Un septuagénaire ne peut pas représenter la jeunesse. Et un gouvernement qui l’affirme ne peut pas prétendre dire la vérité à son peuple. Derrière cette farce se cache une stratégie. Derrière cette stratégie se trouve le vol de l’avenir d’une génération entière.

Rédaction Politique – The Independentist

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