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De l’héritage de Fru Ndi à la régression autoritaire de Biya – Une perspective équilibrée

John Fru Ndi a travers son Front Social Démocrate (SDF), a mobilisé les bases populaires et attiré l’attention internationale sur la possibilité d’une réforme démocratique dans le Cameroun francophone.

Par Joseph FritzMcBobe, Quartier Endeley, Buea

Feu Ni John Fru Ndi est largement reconnu comme le visage du multipartisme dans la République du Cameroun (LRC). Son opposition en 1990 à l’État parti unique de Paul Biya a marqué un tournant dans l’histoire politique du pays. À travers le Front Social Démocrate (SDF), Fru Ndi a mobilisé les bases populaires et attiré l’attention internationale sur la possibilité d’une réforme démocratique dans le Cameroun francophone.

Même le président Paul Biya, dans l’un de ses rares aveux publics, a reconnu que sans Fru Ndi, la démocratisation du Cameroun ne serait restée qu’un « rêve de pipe ». Cette déclaration, bien que probablement prononcée par calcul politique, confirme le rôle historique de Fru Ndi dans l’avènement d’une ère de compétition électorale, aussi imparfaite soit-elle.

Cependant, l’histoire ne s’est pas conclue par une victoire. Lors de l’élection présidentielle de 1992 — largement considérée comme remportée par Fru Ndi — le Cameroun a raté une occasion historique. Les allégations de fraude et de manipulation se sont multipliées, et sont aujourd’hui ouvertement confirmées par des acteurs comme Albert Dzongang, un ancien proche du régime devenu opposant. Sur Belafon TV, Dzongang a raconté comment, en présence de l’ancien Premier ministre Achidi Achu et du tristement célèbre chef de la sécurité Forchive, il avait participé à l’orchestration de la fraude électorale qui avait privé Fru Ndi de son mandat légitime. Cette confession tardive s’apparente à un règlement de comptes moral.

Ce qui s’en est suivi fut une lente et douloureuse érosion de toute apparence démocratique. Fru Ndi, sans doute dans l’espoir de réformer le système de l’intérieur, est resté dans l’arène politique. Mais au fil du temps, beaucoup estiment qu’il a fini par légitimer un régime qu’il prétendait combattre. En coopérant trop longtemps avec l’appareil autoritaire de Biya, il est devenu un rouage du système qu’il avait autrefois défié.

Plus gravement encore, Fru Ndi a emprunté le même chemin erroné que John Ngu Foncha dans la marche vers l’indépendance — celui de « rejoindre » au lieu de « se séparer ». Foncha a conduit l’Ambazonie à une union avec le Cameroun français en 1961 sur la base de fausses promesses ; Fru Ndi, des décennies plus tard, a tenté de sauver cette union en la légitimant par des réformes démocratiques. Les deux ont échoué. Et désormais, après deux essais et deux trahisons, il ne s’agit plus d’un simple accident de parcours — c’est un schéma que plus personne ne peut ignorer. Nous devons aller chacun de notre côté.

Avec le décès de Fru Ndi, et son enterrement symbolique dans une tombe de béton — un choix peut-être plus révélateur de superstitions culturelles que d’un hommage civique — le dernier voile de camouflage démocratique semble avoir été arraché du régime de Biya. Les événements du 4 août 2025, au Conseil constitutionnel, en sont la preuve. L’exclusion de la candidature de Maurice Kamto et la mise en scène judiciaire qui s’en est suivie ont envoyé un message clair : le Cameroun est revenu au régime autoritaire des premières années de Biya. Le cycle est bouclé.

Position de l’Ambazonie : Pourquoi la mort de Fru Ndi ne change rien

Du point de vue ambazonien, l’héritage de Fru Ndi — bien que marquant pour la LRC — est peu pertinent pour le destin du peuple des anciens Southern Cameroons britanniques. Fru Ndi était un fils de la terre, mais il a choisi la voie de l’intégration au lieu de la libération. Plutôt que de se battre pour la restauration complète de la souveraineté ambazonienne, il a tenté de réformer une structure coloniale de l’intérieur. Pour beaucoup d’Ambazoniens, ce fut une trahison historique.

Le président Dr Samuel Ikome Sako, de la République Fédérale d’Ambazonie (en exil), a toujours affirmé que la participation aux processus politiques de la LRC est un piège qui mine la lutte légitime pour l’autodétermination. Les révélations de Dzongang sur la fraude électorale de 1992 ne font que renforcer la position de l’Ambazonie : le système électoral camerounais n’a jamais reflété la volonté réelle du peuple — ni pour les Camerounais francophones, encore moins pour les Ambazoniens.

Dr Sako soutient que si Fru Ndi — sans doute le politicien ambazonien le plus influent de l’histoire du Cameroun — n’a pas été autorisé à gagner, alors aucun Ambazonien ne pourra jamais accéder au pouvoir national par des voies légitimes dans ce système. Le simulacre du 4 août, avec son mépris flagrant pour la moindre apparence d’équité, en est une nouvelle preuve éclatante.

C’est pourquoi l’Ambazonie ne s’associe pas au deuil d’une démocratie qui ne l’a jamais servie. Elle rappelle au monde que la question des Southern Cameroons n’est pas celle d’une réforme du Cameroun, mais de la fin d’une occupation coloniale d’un territoire distinct, dont le peuple avait voté pour s’autogouverner en 1961, avant d’être annexé en 1972.

Conclusion : Le rideau tombe, mais la lutte continue

Si l’héritage de Fru Ndi peut encore offrir des leçons à ceux qui espèrent démocratiser la LRC, il ne constitue en rien une feuille de route pour les Ambazoniens. Pour ces derniers, l’avenir ne se trouve pas dans la réforme, mais dans la restauration. Et à mesure que la LRC s’enfonce davantage dans l’autocratie, l’Ambazonie doit consolider ses institutions, renforcer son plaidoyer international et maintenir sa résistance. Ce faisant, elle rejette non seulement la dictature de Biya, mais aussi l’illusion qu’elle ait jamais fait partie d’une démocratie.

Par Joseph FritzMcBobe

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