Lorsque le President Biya succède à Ahidjo en 1982, il rebaptise l’UNC en RDPC lors du congrès de Bamenda en 1985. Ce n’était pas une renaissance démocratique, mais une restructuration d’entreprise. Le « renouveau » qu’il annonça tenait davantage du discours d’un PDG devant ses investisseurs que d’un programme politique.
Par La Rédaction de The Independentist
Depuis plus de quarante ans, Paul Biya ne préside pas une république, mais une société anonyme. Le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) n’est pas un parti politique au sens classique du terme. C’est le bras corporatif d’un système de capitalisme de connivence, qui lie les intérêts français, les élites locales et les multinationales dans une même machine de domination. Comprendre le RDPC comme une société d’État – et non comme un parti – est essentiel pour décoder la corruption, le clientélisme et l’autoritarisme qui étouffent à la fois la République du Cameroun et l’Ambazonie.
De l’UNC au RDPC : la naissance d’une société
Les origines de cette structure corporative remontent à 1966, lorsque le président Ahmadou Ahidjo abolit le multipartisme et força tous les groupes à intégrer l’Union Nationale Camerounaise (UNC). Ce n’était pas une union démocratique, mais une fusion de « filiales » dans un seul corps destiné à servir les intérêts coloniaux français.
Lorsque Biya succède à Ahidjo en 1982, il rebaptise l’UNC en RDPC lors du congrès de Bamenda en 1985. Ce n’était pas une renaissance démocratique, mais une restructuration d’entreprise. Le « renouveau » qu’il annonça tenait davantage du discours d’un PDG devant ses investisseurs que d’un programme politique. Contrairement aux véritables partis politiques nés de luttes populaires, le RDPC resta au-dessus des lois, gouvernant par décrets, intimidation militaire et pillage systématique du trésor public.
Le RDPC comme société, pas comme parti
Le fonctionnement du RDPC ressemble à celui d’une multinationale :
Les congrès sont des assemblées générales où l’on distribue des dividendes sous forme de postes, de contrats et de privilèges.
Les structures régionales et locales fonctionnent comme des filiales, récompensant chefs traditionnels, hommes d’affaires et opportunistes par des monopoles, exonérations fiscales ou immunités judiciaires.
Le budget de l’État devient le capital d’exploitation, détourné vers des comptes privés à l’étranger pendant que les écoles, hôpitaux et routes tombent en ruine.
Adhérer au RDPC n’est pas un choix idéologique : c’est acheter une part dans un système de connivence.
Le capitalisme de connivence en pratique : Études de cas
- SONARA – Le monopole pétrolier
La Société Nationale de Raffinage (SONARA) à Victoria devait être un fleuron national. Elle est devenue une caisse noire du régime. Les revenus pétroliers ont été détournés vers des comptes offshore tandis que la raffinerie restait obsolète. Après l’incendie de 2019, l’État continua de prélever des taxes sur le pétrole, réinjectées non pas dans la reconstruction mais dans les réseaux clientélistes du RDPC.
- Camtel et le racket des télécommunications
Cameroon Telecommunications (Camtel), monopole public, étouffe la concurrence et pratique des tarifs exorbitants. Les contrats pour l’expansion de la fibre optique sont attribués comme récompenses politiques, non sur la base de la compétence. En plus de générer des profits, Camtel sert à surveiller et réprimer la population.
- Les concessions forestières en Ambazonie
Du Ndian au Manyu, les forêts ambazoniennes sont découpées en concessions accordées à des entreprises françaises et asiatiques. Les villages, eux, n’y gagnent ni écoles, ni routes, ni hôpitaux — seulement la destruction de leurs terres sacrées. Le bois exporté devient une source de financement pour les campagnes électorales du RDPC et pour la guerre contre les populations locales.
- Le système bancaire et le théâtre d’« Épervier »
Des banques comme le Crédit Foncier ou la Société Camerounaise des Banques sont vidées pour financer les projets privés des barons du régime. Quand les bailleurs internationaux exigent des réformes, Biya lance l’Opération Épervier — une campagne anticorruption qui ne punit que ceux qui ont perdu sa faveur. C’est moins une justice qu’une police interne du conseil d’administration.
- Le port en eau profonde de Kribi et les contrats chinois
Le port de Kribi fut financé par des prêts massifs chinois mais confié à des entreprises proches du RDPC. Les coûts gonflés ont creusé une dette insoutenable pour les générations futures, tandis que les profits servent surtout les multinationales et les clans du pouvoir.
La France, actionnaire majoritaire
La France reste l’actionnaire majoritaire de ce montage. Par le système du franc CFA, chaque franc de richesse camerounaise transite d’abord par Paris. Les compagnies pétrolières, les banques et les entreprises de BTP françaises sont les véritables propriétaires. Le RDPC n’est que le gestionnaire local chargé de maintenir la population docile tandis que les dividendes s’envolent vers la métropole.
Bases militaires, couverture diplomatique et droit de veto aux instances internationales garantissent la survie de cette société. Les élections ne sont qu’un théâtre destiné à l’opinion internationale.
L’Ambazonie face à une prise de contrôle hostile
Pour l’Ambazonie, il ne s’agit pas d’un conflit politique avec un voisin, mais d’une OPA hostile :
La conférence de Foumban (1961) fut la signature frauduleuse d’un contrat où l’on promit partenariat et où l’on imposa annexion.
Le référendum de 1972 fut la fusion forcée, abolissant le fédéralisme et achevant l’acquisition.
Le congrès de Bamenda (1985) fit du RDPC le siège social d’une exploitation coloniale, projetée désormais sur l’Ambazonie.
Ce n’est pas une union mais une colonisation déguisée en « État unitaire ».
Modèle comparatif : l’État-corporation africain
Le Cameroun de Biya n’est pas isolé. D’autres régimes africains ont transformé leurs partis en sociétés de connivence :
Le Zaïre de Mobutu : le Mouvement Populaire de la Révolution fonctionnait comme l’entreprise personnelle de Mobutu, distribuant ressources et postes comme parts sociales.
Le Gabon de Bongo : le Parti Démocratique Gabonais transforma la rente pétrolière en patrimoine familial, Paris jouant l’actionnaire protecteur.
Le Togo des Gnassingbé : le RPT/UNIR perpétua un pouvoir héréditaire sous couverture militaire française, utilisant l’État comme franchise familiale.
La Côte d’Ivoire d’Houphouët-Boigny : sous une façade de stabilité, le PDCI était une machine corporative distribuant les dividendes du cacao aux clientèles proches du régime.
Le Cameroun s’inscrit donc dans le schéma de la Françafrique, où le parti est moins un espace de débat qu’un outil de pillage organisé. Ce qui distingue le cas camerounais, c’est l’annexion d’une deuxième nation, l’Ambazonie, à ce montage colonial.
Pourquoi les élections ne sauveront pas le Cameroun
Croire qu’une élection libre sous le RDPC pourrait apporter la démocratie est une illusion. On ne démocratise pas une entreprise conçue pour le pillage. La seule issue est de démanteler la structure corporative, couper les liens avec l’actionnaire français et restituer la souveraineté au peuple.
Conclusion
Le RDPC n’est pas un parti politique. C’est une franchise coloniale, gérant le Cameroun pour le compte des actionnaires étrangers et des clans locaux. C’est une société d’État, détournant les richesses publiques vers des intérêts privés. Et c’est un instrument colonial, annexant l’Ambazonie sous prétexte d’unité.
Les Ambazoniens ne doivent jamais l’oublier : nous ne faisons pas face à une république sœur à Yaoundé. Nous résistons à un empire corporatif déguisé en nation.
La Rédaction de The Independentist





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