Investigative report

Joshua Osih – Le “Épessé” reconditionné de la politique camerounaiseComment un visage familier est positionné pour enterrer la question ambazonienne sous une nouvelle couche de légitimité

Joshua Osih: il porte un nom ambazonien et ait fréquenté le prestigieux CPC Bali, il a grandi à Yaoundé, construit sa carrière à Douala et ne parle aucun dialecte indigène ambazonien.

Par Fontem Asonganyi à Kumba

Depuis le déclenchement de la guerre en Ambazonie, le président Paul Biya et ses alliés ont perfectionné l’art de résoudre les crises sans jamais céder le contrôle. Au cœur de cette stratégie se trouve un tour de passe-passe politique — que l’on pourrait appeler « la démocratie par substitution ».

La tactique est simple : installer une figure soigneusement choisie issue d’une communauté marginalisée, créant ainsi l’apparence d’une représentation tout en s’assurant que l’emprise du régime sur le pouvoir reste intacte.

Dans l’argot politique camerounais, une telle figure est connue sous le nom d’« Épessé ».

L’archétype de l’Épessé
Un Épessé n’est pas choisi par le peuple. Il est nommé d’en haut pour servir de voix symbolique à une communauté dont les véritables dirigeants sont soit réduits au silence, soit marginalisés, soit éliminés. La formule est constante :

Porter le nom et l’origine du groupe, mais sans lien social ou culturel profond.

Dépendre financièrement et politiquement de l’élite dirigeante.

Offrir un visage acceptable pour les partenaires étrangers, leur donnant l’assurance que la “représentation” existe alors que rien ne change.

Ce modèle est utilisé depuis l’époque d’Ahmadou Ahidjo, affiné sous Paul Biya, et reste efficace pour pacifier la dissidence.

La manœuvre de la Vice-présidence
Ces derniers mois, des diplomates français ont discrètement évoqué l’idée de rétablir le poste de Vice-président. Le candidat, suggèrent-ils, devrait être un « anglophone de consensus » — quelqu’un ayant peu de liens réels avec l’Ambazonie, mais suffisamment acceptable pour passer pour son représentant.

L’objectif serait double :

Apaiser la pression internationale en affichant une inclusion symbolique.

Fracturer l’unité ambazonienne en promouvant une figure contrôlée au détriment d’un leadership authentique.

Un nom correspond parfaitement à ce profil : Joshua Nambangi Osih.

Pourquoi Osih correspond au profil
Racines ambazoniennes superficielles
Bien qu’Osih porte un nom ambazonien et ait fréquenté le prestigieux CPC Bali, il a grandi à Yaoundé, construit sa carrière à Douala et ne parle aucun dialecte indigène ambazonien.

Richesse inexpliquée
Osih jouit d’une fortune personnelle importante sans qu’il existe de trace publique claire sur son origine.

Liens avec la Suisse et Biya
La loyauté politique de Biya va à la France, mais ses réseaux personnels et financiers passent par la Suisse — un pays associé à une histoire troublée dans la politique camerounaise. Ce fut le théâtre de la mort suspecte du leader de l’UPC Félix Moumié et, plus tard, de figures du SDF telles que Cyprian Awudu, Joseph Mbah Ndam et John Fru Ndi.

Les origines familiales d’Osih renforcent ce lien suisse : sa mère est suisse et sa famille aurait des investissements importants à Kribi — en plein cœur du Cameroun francophone. Dans le même temps, des rumeurs persistantes suggèrent que la lignée paternelle d’Osih, originaire du Ndian, pourrait en réalité remonter à la province du Sud — un autre lien dit de la “onzième province” qui s’aligne étroitement sur les réseaux d’élite francophones. Fait notable, il n’existe aucun enregistrement connu d’investissements comparables d’Osih dans la région du Sud-Ouest, le territoire qu’il prétend représenter.

Lorsque Fru Ndi était encore le véritable visage de l’opposition, le régime le considérait comme une menace. À un moment donné, il aurait bloqué la location par le British Council de son immeuble près du carrefour T de Bamenda, invoquant la crainte que la Grande-Bretagne ne canalise des fonds vers son parti. Mais une fois Fru Ndi capitulé, l’hostilité a disparu. Il a bénéficié de privilèges financés par le régime, y compris des bilans médicaux à l’étranger — jusqu’à sa mort, que beaucoup considèrent encore comme étrange et prématurée.

Ajoutant à ce malaise, la mémoire politique ambazonienne se souvient qu’une délégation entière de piliers du SDF est décédée de manière prématurée après avoir rendu visite à Biya à Etoudi. La coïncidence n’a jamais été pleinement expliquée et des questions restent sans réponse. Si Osih veut se présenter comme une figure nationale crédible, beaucoup estiment qu’il doit clarifier ces décès et expliquer ses propres relations avec l’establishment Biya.

De plus, Osih doit également révéler tout lien avec l’Ordre rosicrucien, une société secrète dont l’influence est depuis longtemps soupçonnée au sein de l’élite politique camerounaise. En particulier, il doit clarifier s’il a assisté à la dernière Convention rosicrucienne d’Afrique centrale — tenue au Palais des Congrès de Yaoundé — qui a fait la une après l’incendie mystérieux du lieu peu après. Dans un climat politique où les loyautés cachées peuvent déterminer le destin national, de telles associations exigent une transparence totale.

Le contraste est frappant. Là où la défiance initiale de Fru Ndi suscitait la méfiance du régime, les relations directes d’Osih avec la famille Biya — financières, politiques et personnelles — sont présentées comme de la “bonne politique”. Dans le calcul de Yaoundé, la conformité vous apporte protection et même promotion.

Loyauté démontrée envers le régime
En 2021, Osih fut le seul député de l’opposition à signer une lettre avec 61 parlementaires du RDPC demandant aux États-Unis de déporter les militants ambazoniens — un geste perçu comme un alignement ferme sur la position du régime.

Fragmentation de l’opposition
Il a refusé de s’unir derrière un candidat unique de l’opposition, contribuant à maintenir un champ politique fragmenté, avantageux pour le RDPC.

Le facteur bamiléké
Avec le professeur Maurice Kamto mis à l’écart, les stratèges du RDPC calculent que de nombreux élites bamilékés — dont les affaires prospèrent dans les villes contrôlées par les Bétis — hésiteront à soutenir un anglophone “inconnu”. Dans ce scénario, un vice-président approuvé par le régime, même nominalement anglophone, devient l’option la plus sûre.

L’avertissement du Dr Samuel Ikome Sako
S’exprimant depuis l’exil, le Dr Samuel Ikome Sako, président de la République fédérale d’Ambazonie, qualifie le modèle de l’Épessé de “menace directe pour la lutte de libération”.

« Nommer un vice-président sans mandat du peuple ambazonien est un changement cosmétique destiné à tromper la communauté internationale et à prolonger l’occupation », a déclaré le Dr Sako à The Independentist.

« Nous devons rejeter toute tentative de substituer notre cause par une personnalité. La lutte est pour la restauration de notre souveraineté, pas pour des postes décoratifs dans un gouvernement colonial. »

Une menace familière
Les pièces du puzzle se mettent en place. Une figure soignée, acceptable sur la scène internationale, est en train d’être positionnée pour “représenter” symboliquement les anglophones tout en veillant à ce que la véritable structure du pouvoir reste intacte.

Pour les Ambazoniens, l’avertissement est simple : ne confondez pas un nom familier avec une représentation authentique. L’Épessé est de retour — et l’histoire montre qu’une fois installé, son premier devoir est envers le système qui l’a placé là, et non envers le peuple qu’il prétend représenter.

Fontem Asonganyi

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