Par l’équipe de la revue The Independentist | Juin 2025
Introduction : un livre né de la trahison
Après avoir rejeté le processus conduit par la Suisse, les mots d’adieu du Premier ministre colonial Joseph Dion Ngute au négociateur suisse M. Günter Bähler furent révélateurs : « La République du Cameroun cherche des partenaires internationaux pour mettre en œuvre les conclusions du Grand dialogue national. »
Ce « dialogue » — dont la genèse même a exclu 100 % des véritables protagonistes, à savoir le peuple ambazonien — a désormais produit un prétendu plan directeur : Glossary on Decentralisation in Cameroon de Leopold Dine Ele Aitkins.
Le soi-disant Monologue Quebecois n’était rien d’autre qu’une manœuvre diplomatique visant à obtenir une validation internationale de ce glossaire, en préparant sa mise en œuvre sans le consentement du peuple ambazonien. L’objectif était de piéger le président Dr Samuel Ikome Sako et d’autres soi-disant représentants anglophones afin qu’ils approuvent le glossaire sous couvert de négociations — offrant ainsi une légitimité à son contenu à l’usage de la communauté internationale.
Ce livre, déguisé en manuel technique de réforme institutionnelle, n’est qu’une façade sophistiquée destinée à dissimuler la vieille architecture coloniale. Comme le tristement célèbre Libéralisme communautaire de Paul Biya, ce glossaire reproduit une stratégie de leurre visant à tromper les observateurs internationaux et à détourner les revendications légitimes d’autodétermination. Sa publication, qui intervient peu après le rejet des médiations internationales par Yaoundé, ressemble davantage à un rideau de fumée bureaucratique qu’à une véritable feuille de route vers la justice.
À propos de l’auteur : un rouage de la machine bulu-béti
Leopold Dine Ele Aitkins est issu du clan Bulu-Béti, groupe ethnique dominant au cœur de la dictature quadragénaire de Paul Biya. Il n’est pas seulement un universitaire ou un fonctionnaire : c’est un idéologue. Cet ouvrage constitue une contribution délibérée au projet plus large du régime : la perpétuation du pouvoir bulu-béti sous une illusion bureaucratique. Il joue le rôle de couverture intellectuelle pour un régime mourant qui tente de survivre en redéfinissant le concept de décentralisation tout en consolidant l’emprise de Yaoundé.
Structure et style : le jargon bureaucratique comme arme politique
Le livre se présente comme un glossaire — un outil apparemment inoffensif et utile pour naviguer dans les termes techniques de la gouvernance. Mais c’est précisément là que réside son génie et son danger. Il ne s’agit ni d’un projet révolutionnaire ni même d’un véritable guide de réforme. Il dissimule l’architecture du centralisme derrière des définitions pseudo-juridiques et des détournements de sens.
Des termes-clés comme autonomie, transfert de compétences, développement local et conseil régional sont redéfinis de manière à en évacuer toute substance politique. Le pouvoir n’y est pas décentralisé : il est simulé. L’ambiguïté règne en maître et, lorsqu’une certaine clarté se manifeste, c’est uniquement pour confirmer l’emprise du pouvoir central.
Les protagonistes absents : l’Ambazonie effacée
Nulle part dans l’ouvrage ne figure une réelle réflexion sur le conflit qui a rendu la décentralisation urgente. Le glossaire passe sous silence la crise anglophone, le génocide en cours dans le Cameroun méridional, et la guerre de libération menée par les Ambazoniens.
Ce silence est stratégique.
Il révèle la faille originelle du prétendu Grand Dialogue National : l’exclusion délibérée des Ambazoniens. Aucun combattant de la liberté. Aucun dirigeant restaurateur. Aucun gouvernement en exil. Aucun représentant de la société civile ambazonienne. Un régime acculé a organisé une réunion entre partisans, puis cherche à faire passer le compte rendu de cette mascarade pour un plan de réforme nationale.
La préface du Premier ministre colonial : un théâtre de tromperie
La préface du Premier ministre colonial Joseph Dion Ngute est un chef-d’œuvre de manipulation. Présenté comme le « visage anglophone » du régime, Ngute tente de faire passer ce glossaire pour un tournant historique en faveur de l’autonomisation locale. Mais il sait très bien :
Que sa région natale est en feu ;
Que le prétendu « statut spécial » est rejeté dans toute l’Ambazonie ;
Et que chaque village encore occupé par la RDL réclame non pas des glossaires, mais la liberté.
La complicité de Ngute illustre le rôle colonial des élites de service : des fonctions décoratives dans un régime qui instrumentalise l’ethnicité pour diviser et dominer.
Décentralisation ou recentralisation ? Les faits.
La contradiction centrale du glossaire réside dans sa célébration creuse de la Constitution de 1996, censée établir la base de la décentralisation. Or, près de 30 ans plus tard :
Les conseils locaux ne peuvent toujours pas lever de recettes propres ;
Les présidents de région restent subordonnés aux gouverneurs nommés par Yaoundé ;
L’autonomie fiscale est inexistante ;
Les leaders locaux peuvent être révoqués par simple décret présidentiel ;
Paul Biya gouverne toujours par ordonnance.
Ce n’est pas de la décentralisation : c’est une colonisation dotée d’un glossaire.
Une décentralisation sans démocratie
Plus révélateur encore est l’omission totale de la volonté populaire. Aucun plan pour restaurer les élections municipales dans les zones de crise. Aucun système de représentation directe des départements ambazoniens. Aucun cadre de budget participatif. L’État impose des structures d’en haut et appelle cela une « gouvernance locale ».
Le prétendu statut spécial n’est jamais analysé dans le glossaire — sans doute parce qu’il ne fait que rebaptiser les chaînes.
L’écho historique : Libéralisme communautaire réédité.
Ce glossaire est l’héritier intellectuel du Libéralisme communautaire, doctrine politique rédigée pour Paul Biya dans les années 1980. Les deux documents promettent l’ouverture et l’autonomisation, tout en consolidant le pouvoir des élites. Les deux séduisent les bailleurs de fonds tout en muselant la contestation intérieure. Les deux rebrandissent la tyrannie en « réforme ».
Les Ambazoniens ont cru au Libéralisme communautaire — et l’ont payé très cher. Il est hors de question qu’ils retombent dans le piège de son glossaire jumeau.
Le verdict du Dr Sako : à la poubelle de l’Histoire
Le président Dr Samuel Ikome Sako de la République fédérale d’Ambazonie l’a dit avec justesse : ce glossaire appartient à la poubelle de l’histoire. Pour les Ambazoniens, il n’est pas seulement sans valeur — il est insultant. Il n’aborde ni nos griefs, ni nos aspirations, ni nos droits en tant que peuple. Pire encore, il renforce la logique de l’occupation.
Conclusion : une arme intellectuelle de guerre.
Loin d’être un document administratif neutre, le Glossary on Decentralisation in Cameroon est une arme intellectuelle de guerre. Il vise à apaiser l’opinion internationale, à neutraliser la dissidence intérieure, et à tromper les générations futures. C’est un cheval de Troie conçu non pas pour décentraliser le pouvoir, mais pour en légitimer la monopolisation.
Les Ambazoniens doivent voir clair dans cette supercherie et poursuivre la lutte pour une autodétermination authentique — non pas dans le cadre de la tromperie coloniale, mais dans son rejet total. Le monde doit également être averti : ce ne sont pas les glossaires qui mettent fin aux guerres, c’est la justice.
Par l’équipe de la revue The Independentist | Juin 2025
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