L’enquête de Cecce Buckley a confirmé ce que beaucoup soupçonnaient : l’ADF de Cho Ayaba n’était pas une force indépendante. Elle fut tolérée, équipée et coordonnée par le régime.
Par La Rédaction d’Enquête de The Independentist
Introduction : La tyrannie corporative
Le régime de Paul Biya n’a jamais fonctionné comme une démocratie. Depuis plus de quarante ans, il agit comme une société anonyme — avec ses actionnaires à Paris, ses lobbyistes à Washington et un conseil d’administration de fidèles à Yaoundé. Sa logique est celle du profit et du contrôle, non celle de la constitution : les supplétifs sont cultivés, utilisés, puis jetés ; les alliances sont transactionnelles ; la trahison est une politique d’entreprise.
C’est cela que nous appelons l’art du double jeu. L’affaire des Forces de Défense de l’Ambazonie (ADF), des « Kansas City 3 » et des tractations à Washington en est l’illustration parfaite.
Une histoire de trahisons répétées
L’épopée de l’ADF ne fait que s’ajouter à une longue série de reniements :
1961 – Plébiscite : Le Southern Cameroons a voté pour une fédération d’égaux, non pour une annexion. Les promesses furent bafouées en quelques mois.
1972 – Référendum : Ahmadou Ahidjo a organisé un simulacre de vote pour enterrer définitivement la fédération.
1984 – Changement de nom : Paul Biya a ressuscité La République du Cameroun, effaçant l’identité juridique du Southern Cameroons.
Chaque compromis avec Yaoundé s’est soldé par une trahison.
L’ADF : d’atout stratégique à boulet
L’enquête de Cecce Buckley a confirmé ce que beaucoup soupçonnaient : l’ADF de Cho Ayaba n’était pas une force indépendante. Elle fut tolérée, équipée et coordonnée par le régime.
Des figures clés en furent les chevilles ouvrières : Eli Smith comme intermédiaire, le colonel Bamkoui pour la couverture opérationnelle, le chef de la police secrète pour la surveillance, et Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration territoriale, pour la couverture politique.
La preuve était visible : lors de la fête nationale ambazonienne, l’ADF paradait à visage découvert avec des pick-up aux couleurs de son emblème, tandis que d’autres groupes — comme l’ARF — n’osaient même pas sortir. La question était évidente : qui fournissait ces véhicules ? La réponse l’était tout autant : le régime lui-même.
L’ADF fut le gant masquant le poing de fer de Yaoundé, permettant au régime d’attribuer les massacres de civils à une « violence des deux côtés ».
L’arrestation de Cho Ayaba : l’œuvre de la Norvège, non de Nsahlai
Lorsque Cho Ayaba fut arrêté, la propagande tenta d’en attribuer le mérite à Chris Nsahlai. En réalité, ce fut le renseignement norvégien qui agit. Nsahlai n’a jamais mis les pieds en Norvège pour poursuivre qui que ce soit.
Ce qu’il fit, en revanche, fut d’exploiter la géographie : comme l’a révélé Buckley, plusieurs commandants de l’ADF qui revendiquaient publiquement des meurtres de civils vivaient aux États-Unis. Nsahlai s’appuya sur ce fait pour pousser des inculpations.
Mais alors, pourquoi des figures telles que Capo Daniel (alias Ngong Emmanuel Ngong) et Asu Lucas, toutes deux basées au Canada, n’ont-elles pas été inquiétées ? Parce que la logique n’était pas judiciaire mais politique.
Le virage Biden : des pressions à Washington aux marchandages
L’administration Trump avait mis Biya sous pression, réduisant l’aide et les coopérations militaires.
L’administration Biden, au contraire, a inversé la tendance. Les lobbyistes de Biya ont ouvert les portes de Washington et, contre toute attente, Paul Biya fut invité dans la capitale américaine. Pour les Ambazoniens, ce fut une humiliation, une gifle diplomatique.
C’est là, dans les salons feutrés, que les accords furent scellés. Les Kansas City 3 devinrent des pions de négociation. En sacrifiant des supplétifs comme l’ADF et en offrant des inculpations, Biya obtenait une légitimité renouvelée.
Le double jeu corporatiste
Tant que l’ADF servait, il était toléré. Devenu encombrant, il fut trahi. Les inculpations contre l’ADF et les Kansas City 3 illustrent cette logique du double jeu.
En parallèle, le régime espérait élargir le filet pour atteindre son ennemi principal : le président Dr Samuel Ikome Sako.
C’est ainsi qu’agit une société : les actifs sont exploités puis radiés. Et si le coup échouait ? Biya n’avait rien à perdre : aux États-Unis, la présomption d’innocence prévaut ; au Cameroun, la culpabilité est décrétée avant même le procès. D’où l’obsession de Yaoundé pour l’extradition.
Cameroun S.A. : actifs, passifs et actionnaires
Le Cameroun de Biya se comprend mieux comme une société par actions :
Actifs : des supplétifs comme l’ADF, utiles jusqu’à ce qu’ils menacent le conseil d’administration.
Passifs : les Kansas City 3 et autres exilés, sacrifiés pour des gains politiques.
Conseil d’administration : les élites du RDPC, les généraux, les hommes de main comme Atanga Nji et Bamkoui.
Actionnaires : la France, les lobbyistes de Washington, et les entreprises étrangères qui exploitent le pétrole, le bois et les minerais.
Dans ce système, les Ambazoniens ne sont pas des citoyens. Ils sont de la main-d’œuvre jetable.
La Cinquième République française sous tension
Le plus grand révélateur est peut-être ceci : la politique du double jeu de Biya n’est pas née au Cameroun. Elle est française.
Depuis 1958, lorsque Charles de Gaulle créa la Cinquième République, la France a exporté en Afrique son modèle de « monarchie présidentielle » — une démocratie de façade bâtie sur des sables mouvants. Elle fut conçue pour le contrôle, non pour le compromis ; pour la domination, non pour le dialogue.
Aujourd’hui, ce modèle craque de toutes parts. Macron à Paris chancelle sous les crises sociales et politiques. Biya à Yaoundé s’accroche à un pouvoir qui se délite. Tous deux subissent le stress test historique de régimes construits sur la centralisation et la tromperie.
Leur fragilité prouve la même chose : une démocratie fondée sur le mensonge et la concentration absolue du pouvoir présidentiel ne peut résister au poids de l’histoire.
Le monde observe
Le système Biya est à bout de souffle. Ses opérateurs — Eli Smith, Bamkoui, Atanga Nji, la police secrète — sont démasqués. Ses supplétifs — Cho Ayaba, Capo Daniel, Asu Lucas — oscillent entre protection et trahison. Ses marchandages à Washington sont désormais visibles.
La communauté internationale commence à voir clair : Yaoundé ne combat pas le terrorisme, il le fabrique, l’utilise, puis le sacrifie quand cela devient opportun.
Conclusion : La trahison comme mode de gouvernance
De 1961 à 1972, de 1984 aux inculpations des Kansas City 3, la règle demeure : tout compromis avec Yaoundé se solde par une trahison.
Le destin de l’ADF n’est pas une anomalie. C’est la loi de ce régime corporatiste. Aujourd’hui c’est l’ADF. Demain ce sera un autre.
Voilà l’art du double jeu. Et les Ambazoniens doivent le comprendre : la survie ne viendra pas des compromis, mais de la clarté.
La Rédaction d’Enquête de The Independentist

