Calixthe Beyala, tels propos traduisent non seulement un manque de précision, mais aussi une déformation de l’histoire, et il est nécessaire — surtout pour l’éducation des publics francophones — de rétablir la vérité.
Par Uchiba Nelson, Contributor
Interrogée sur le mouvement indépendantiste ambazonien, la romancière Calixthe Beyala a récemment affirmé qu’il ne s’agissait que d’un simple « problème de traduction ». Elle a ensuite détourné la discussion vers les problèmes sécuritaires dans le Nord et l’Est de la République du Cameroun, comme s’ils étaient équivalents à la question du Southern Cameroons. De tels propos traduisent non seulement un manque de précision, mais aussi une inquiétante déformation de l’histoire.
Il est donc nécessaire — surtout pour l’éducation des publics francophones — de rétablir la vérité.
Le Southern Cameroons n’a jamais fait partie de la République du Cameroun en 1960
Les faits historiques sont clairs et indiscutables :
Le 1er janvier 1960, la République du Cameroun (ancien Cameroun français) a obtenu son indépendance de la France.
À ce moment-là, le Southern Cameroons demeurait un Territoire sous tutelle des Nations Unies, administré par la Grande-Bretagne, avec son propre Premier ministre, son propre parlement, son système judiciaire et ses institutions politiques.
Aucune loi, aucun traité, ni aucune résolution des Nations Unies n’a intégré le Southern Cameroons à la République du Cameroun au moment de cette indépendance.
Un chemin de décolonisation distinct
En 1961, en vertu de la Résolution 1608 (XV) de l’Assemblée générale des Nations Unies, les populations du Southern Cameroons ont été appelées à un plébiscite. La question posée était de choisir entre rejoindre le Nigéria ou rejoindre la République du Cameroun. L’option de la pleine indépendance, pourtant consacrée par la Charte des Nations Unies, leur a été injustement refusée.
Le peuple a choisi l’association avec la République du Cameroun. Mais voici la vérité fondamentale : aucun traité d’union n’a jamais été signé ni ratifié. Sans ce traité, la prétendue « union » n’a aucune base légale en droit international.
Aucun vote pour le bilinguisme ou le multiculturalisme
Il est tout aussi important de rappeler que les populations du Southern Cameroons n’ont jamais voté pour le bilinguisme ou le multiculturalisme.
Le plébiscite n’avait rien à voir avec la langue, la culture ou l’identité. Il portait exclusivement sur une association politique. Le bilinguisme et le multiculturalisme ont été par la suite imposés par Yaoundé comme instruments d’assimilation.
Les Ambazoniens apprécient bien sûr leur culture et la richesse de la diversité. Mais le respect de la diversité ne doit pas être confondu avec l’assimilation forcée. La question n’est pas celle de la coexistence — elle est celle du consentement et de la souveraineté.
Problèmes internes vs. différend international
En orientant la discussion vers l’insécurité dans le Nord (Boko Haram) ou vers les incursions dans l’Est, Calixthe Beyala confond des réalités très différentes :
Les crises du Nord et de l’Est sont des problèmes internes à la République du Cameroun. Ce sont des défis de sécurité nationale.
Le différend Southern Cameroons – République du Cameroun est un problème international. Il implique deux territoires aux héritages coloniaux distincts, aux dates d’indépendance différentes et aux identités juridiques séparées.
C’est pourquoi les Ambazoniens soutiennent que leur combat n’est pas une « sécession », mais la restauration de leur État.
Comprendre l’erreur intellectuelle
Qualifier le Southern Cameroons de « problème de traduction » revient à banaliser des décennies de trahison et les souffrances continues de millions de personnes. Mais il faut reconnaître que beaucoup de Francophones eux-mêmes ont été trompés par la propagande d’État de Yaoundé. Dans les manuels scolaires, l’histoire a été réécrite pour effacer le caractère international de la question du Southern Cameroons.
Ainsi, même si les propos de Beyala induisent en erreur, ils sont aussi le produit d’un système qui dissimule volontairement la vérité. La responsabilité des intellectuels, toutefois, est de dépasser ces distorsions.
Pour l’éducation des Francophones
Pour plus de clarté, voici les faits essentiels :
Les dates d’indépendance sont cruciales
République du Cameroun : 1er janvier 1960 (indépendance de la France).
Southern Cameroons : 1er octobre 1961 (fin de la tutelle britannique).
Aucun traité d’union
Le droit international exige un traité pour fusionner des États. Aucun n’existe entre la République du Cameroun et le Southern Cameroons.
Aucun consentement à l’assimilation
Les populations du Southern Cameroons n’ont jamais voté pour devenir des sujets bilingues d’un État centralisé.
Ce n’est pas une question de langue
Il s’agit de souveraineté et du droit d’un peuple à l’autodétermination, conformément au droit international.
Conclusion
Les propos de Calixthe Beyala reflètent peut-être des idées reçues largement répandues, mais ils doivent être corrigés. Le Southern Cameroons n’est ni un problème de traduction, ni une revendication régionale. Il s’agit d’un dossier inachevé de décolonisation — un conflit entre deux États, dont l’un a été privé de son indépendance.
Le devoir intellectuel des écrivains, des universitaires et des leaders est de dire la vérité et non de perpétuer des récits qui servent le pouvoir au détriment de la justice.
Uchiba Nelson
Contributor, The Independentist

